Tandis que l’Europe somnole sous la canicule, il est temps de prendre un peu de repos. Le poète Théocrite nous accompagnera.
L’été sera chaud dans tous les sens du terme : le thermomètre a taquiné les 40 degrés en Suisse, du jamais vu depuis 1921 ; pendant ce temps, nos amis grecs doivent affronter une crise qui n’incite pas au repos. Qu’ils veuillent néanmoins recevoir le texte présenté ici comme un espoir de temps meilleurs.
Théocrite, poète du IIIe s. av. J.-C., se trouve sur l’île de Cos, à une encablure de la côte de l’Asie Mineure. Dans le récit qui suit, il prend le surnom de Simichidas. Il va, en compagnie de deux amis, participer à une fête – les Thalysies – en l’honneur de la déesse Déméter. En chemin, il rencontre un chevrier.
« Nous n’avions pas encore accompli la moitié du trajet, et le tombeau de Brasilas ne s’était pas encore montré à nous. Or voici que nous rencontrâmes un homme de Cydonia, pourvu d’un talent poétique. En fait, c’était un chevrier, et personne ne s’y serait trompé en le voyant car il avait vraiment l’apparence d’un chevrier. Ses épaules étaient recouvertes de la toison fauve d’un bouc au poil dru, velu et fleurant bon la présure fraîche. Autour du torse, il avait enroulé un vieux vêtement retenu par une ceinture tressée. Dans sa main droite, il tenait une houlette recourbée en olivier sauvage. Il souriait gentiment avec un regard avenant et me dit, le rire aux lèvres : ‘Simichidas, où traînes-tu les pieds en plein midi, à l’heure où même le lézard reste couché à l’abri des murets et où même les alouettes ne volettent pas entre les pierres tombales ? Te hâtes-tu vers un gueuleton auquel personne ne t’a invité ? Ou bien lances-tu un assaut vers le pressoir d’un de tes concitoyens ? Tu marches, et chaque pierre chante sous le coup de tes chaussures !’ »
[voir Théocrite, Idylle 7.10-26]
Simichidas et le chevrier narquois se lancent alors dans un bref échange poétique, puis se séparent bons amis. Sous le soleil, le chemin a été long ; on arrive enfin à destination.
« Au-dessus de nos têtes, des peupliers et des ormes nombreux bruissaient. À côté, une eau sacrée provenant d’une grotte des Nymphes s’écoulait en gargouillant. Sur la frondaison qui faisait de l’ombre, des cigales brûlées par le soleil s’épuisaient en babillage. Le croassement des grenouilles se faisait entendre dans l’épaisseur des ronces. Alouettes et chardonnerets chantaient, la tourterelle émettait son chant plaintif ; les abeilles dorées vrombissaient autour des fontaines. On sentait partout l’odeur d’un riche été, l’odeur des fruits de saison. À nos pieds, des poires ; à nos côtés, des pommes en abondance. Les branches ployaient sous les prunes tombant jusqu’à terre. On descellait des jarres contenant un vin vieux de quatre ans. »
[voir Théocrite, Idylle 7.135-147]
Sous la chaleur, un bel été à tous, et à bientôt.
[image : Allégorie de l’été, école de Peter Candid (XVIIe siècle)]
Merci beaucoup pour votre blog: comme je lis du grec ancien quand même régulièrement, mais que personne dans mon entourage ne fait la même chose, je n’ai pas assez l’occasion d’échanger sur ces lectures. Votre blog m’en donne donc l’occasion. C’est pourquoi j’ai mis ce printemps volontiers un commentaire à vos articles. J’ai apprécié cet échange informel et je vous remercie de vos réponses. Je vous souhaite un bel été reposant à vous aussi.
J’aimeJ’aime