Débarrassés des enfants le soir du Réveillon

fireworksFêter le Réveillon sans les enfants ? Le soir du 31 décembre 381 ap. J.-C., une vieille femme confie son petit-fils en adoption à l’Oncle Silvanus, un moine.

  • Chérie, que dirais-tu d’une soirée de Réveillon entre nous, sans les enfants ?
  • Oh ! c’est monstrueux ! mais j’adore ta proposition. Chic ! Nous allons pouvoir faire la fête toute la nuit, le champagne coulera à flot, et nous passerons un moment tellement agréable… Vite, je vais trouver une solution pour caser nos petites terreurs, qui ne feront de toute manière pas la différence : à leur âge, ils ne savent même pas ce qu’est un calendrier.

Ce sera difficile : les parents qui veulent profiter d’un moment entre eux, sans les enfants, le soir du Réveillon doivent faire preuve d’ingéniosité pour faire garder leurs petits trésors. Et pour certains, le passage à la Nouvelle Année devrait précisément être un moment que l’on passe avec ses enfants. Chacun se forgera son opinion sur la question.

Le 31 janvier 2016, cela fera exactement 1635 ans, jour pour jour, qu’une femme égyptienne, Aurelia Teeus, n’était pas précisément à la fête : elle avait en effet des soucis à propos de son petit-fils Paesis, âgé de 10 ans. Le père de l’enfant est mort et Aurelia Teeus confie à son propre fils, le moine Aurelius Silvanus, le soin de veiller sur le petit Paesis.

« (…) Aurelia Teeus, fille de Paesis et de Thaesis, agée d’environ 60 ans, avec une cicatrice au genou gauche, du Village d’Arès dans le Nome Hermopolite, avec mon représentant que j’ai amené de mon plein gré, et qui écrit à ma place parce que je ne sais pas écrire, Aurelius Proous, fils de Koulos, magistrat du même Village d’Arès, et Aurelius Silvanus, fils de Petesis, fils de Teeus sus-mentionnée, qui appose sa signature ci-dessous, moine du même Villa d’Arès, salut.

Puisque mon fils aîné – à moi, Teeus sus-mentionnée – appelé Papnouthis est mort en laissant un fils appelé Paesis, âgé de plus ou moins 10 ans, il a été décidé que moi, Silvanus, frère de Papnouthis, je fasse acte de piété en l’adoptant afin de pouvoir l’élever de manière décente et convenable.

En vertu de cela, nous nous mettons d’accord que moi, Teeus, je te remets à toi, Silvanus, l’enfant mentionné en vue d’une adoption, avec l’héritage qu’il tient de son père et de sa mère, comprenant des terres, des immeubles et divers biens mobiliers. Ainsi, il sera ton fils légitime et premier-né, comme s’il était né de ton propre sang.

Et moi, Silvanus, j’ai reçu de toi, ma mère Teeus, l’enfant sus-mentionné de Papnouthis en vue d’une adoption. Je le nourrirai et le vêtirai de manière décente et convenable comme si c’était mon fils légitime et naturel né de moi. J’ai reçu en outre les biens de son père et de sa mère, comprenant des terres, des immeubles et divers biens mobiliers. J’en assurerai la conservation et je les lui restituerai en toute bonne foi au moment de sa majorité. Il sera aussi l’héritier de mes propres biens puisque j’en ai fait mon fils, comme indiqué ci-dessus. (…) »

[Papyrus de Leipzig 1.28 (Hermopolis, Moyenne Égypte, 31 décembre 381 ap. J.-C.]

Papnouthis est donc mort en laissant un fils. Or le frère de Papnouthis n’a justement pas d’enfants ; ça tombe bien – si l’on peut dire – puisque ce frère va donc prendre l’enfant comme le sien, veiller sur son héritage et lui transmettre ses propres biens. L’enfant est apparemment né avec une cuillère en argent dans la bouche : il possède des terres, des immeubles et beaucoup d’autres choses dont on nous passe le détail.

Le soir du Réveillon, Aurelia Teeus doit avoir le sens du devoir accompli puisqu’elle a remis un semblant d’ordre dans une famille passablement chamboulée par la disparition d’un de ses membres. Le petit Paesis va aller passer le Réveillon chez Oncle Silvanus.  Ce dernier est moine, il devrait avoir un peu de temps à consacrer à son neveu.

Il y a toutefois un détail qui ne colle pas dans cette histoire : nos Égyptiens apparaissant dans ce document s’expriment en grec ; ils vivent dans l’Empire romain ; mais ils suivent encore et toujours le calendrier traditionnel de l’Égypte ancienne, et l’année commence autour de la fin du mois d’août… Zut, pas de conte du Réveillon !

 

Pour les lectrices et lecteurs assidus de ce blog, je signale une pause de quelques semaines. Reposez-vous bien, je ferai de même, en me réjouissant de vous retrouver vers la fin du mois de janvier.

Merci aussi pour votre présence fidèle. En 2016, les pages que vous avez le plus lues sont les suivantes : 1    2    3

Une réflexion sur “Débarrassés des enfants le soir du Réveillon

  1. Un blog qui n’existait pas il n’y a pas si longtemps…Un enfant qui n’existait pas il n’y a pas si longtemps…Me voilà devenue jeune mère-grand, comme la gréco-égyptienne du texte, avec moi aussi une cicatrice, pas au genou, mais au poignet gauche (j’ai raconté en automne). Je peux donc m’identifier à ce petit récit. Sauf que nous, nous vivons à quatre générations bien portantes pour le moment – cela ne peut pas durer toujours – et que j’espère ne pas perdre de fils ni de fille.

    Ceci dit, faut-il être un peu ‘ancien’, de nos jours, pour bien lire le grec ancien, comme cela a l’air d’être mon cas? Je le crois quand même, tout simplement parce que l’école a diminué l’enseignement du grec. Ce n’est pas parce que les générations plus jeunes sont moins vives que nous, mais c’est parce qu’elles sont moins formées sur le plan linguistique et littéraire.

    Esope, avec de jolis livres d’images et les mini-récits racontés par moi-même; un peu plus tard peut-être l’Odyssée: ma petite-fille n’y coupera pas, si tout se passe bien.

    En attendant, merci pour ces pages électroniques de grec de 2016 et bonne année 2017!

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