Le parcours des Phocéens fuyant l’arrivée des Perses rappelle le parcours des migrants d’aujourd’hui
545 av. J.-C. : l’Empire perse étend son emprise sur la côte de l’Asie Mineure, correspondant à la Turquie d’aujourd’hui. Dans la cité grecque de Phocée, non loin de l’actuelle Izmir, les habitants prennent peur, comme le rappelle l’historien Hérodote.
« Harpage [général de l’arme perse] approcha avec son armée et mit le siège à la ville. Il leur fit savoir qu’il lui suffirait que les Phocéens veuillent abattre un seul bastion de leurs fortifications et consacrer un seul bâtiment [en signe de soumission].
Mais les Phocéens, horrifiés par la perspective de cet asservissement, répondirent qu’ils souhaitaient délibérer pendant une journée avant de donner réponse. Pendant la durée des discussions, ils demandèrent à l’armée [perse] de se retirer des murailles. Harpage dit qu’il savait fort bien ce qu’ils avaient en tête ; néanmoins, ils se retira pour leur permettre de délibérer.
Tandis qu’Harpage avait retiré son armée des murailles, les Phocéens mirent à la mer leurs vaisseaux rapides, y placèrent femmes et enfants, ainsi que tout ce qu’ils pouvaient emporter, y compris les statues de leurs temples et le reste des offrandes consacrées (sauf les objets en bronze, en pierre et ceux qui étaient gravés) ; bref, ils embarquèrent tout le reste et firent voile vers Chios. »
Tiens, tiens… Chios, point de chute de migrants fuyant la côte de la Turquie. Cela ne vous rappelle rien ? L’histoire rapportée par Hérodote ne date pourtant pas d’aujourd’hui, elle est vieille de deux millénaires et demi.
Les Phocéens sont mal accueillis par les habitants de Chios et décident de continuer leur voyage.
« Ils se préparèrent à faire voile vers Kyrnos [la Corse !] ; mais auparavant, ils firent un crochet vers Phocée, où ils massacrèrent la garnison perse qu’Harpage avait laissée pour garder la ville. Ceci fait, ils lancèrent de puissantes malédictions contre quiconque resterait sur place au lieu de partir. En outre, ils coulèrent un bloc de fer et jurèrent qu’ils ne reviendraient pas à Phocée avant que le bloc ne refasse surface.
Alors qu’ils s’apprêtaient à appareiller pour Kyrnos, plus de la moitié des citoyens furent pris de regret et de pitié pour leur cité, ainsi que pour la vie au pays : ils se parjurèrent et retournèrent à Phocée. Ceux qui avaient respecté leur serment levèrent l’ancre, quittant les îles Œnousses [à côté de Chios]. »
Personne ne quitte sa patrie de gaieté de cœur ; plus de la moitié des migrants renoncent à leur projet au moment de s’embarquer pour l’inconnu. Pour ceux qui décident de partir, c’est clairement un voyage sans retour. À ce jour, le bloc de fer que les Phocéens ont jeté au fond de l’eau n’a toujours pas refait surface.
L’étape corse ne se passe pas très bien pour les migrants phocéens, qui finissent par livrer bataille avec leurs hôtes de circonstance.
« Arrivés à Kyrnos, ils cohabitèrent pendant cinq ans avec les peuples qui étaient déjà établis sur place, et ils fondèrent des sanctuaires. Mais ils ravagèrent et pillèrent tous leurs voisins, Tyrrhéniens et Carthaginois, lesquels unirent leurs forces contre les Phocéens, avec deux fois soixante vaisseaux. »
Des frictions importantes se produisent donc entre les nouveaux immigrants et les gens qui sont déjà sur place. On en vient à se battre : les Phocéens remportent certes la victoire sur mer, mais ils y laissent tellement de plumes qu’ils doivent repartir. Dans la bataille, des navires phocéens ont été capturés. Les équipages tombent pour la plupart entre les mains des habitants d’une cité d’Étrurie qui les tuent à coups de pierres.
Les Phocéens survivants échouent à Rhegion. Cela ne vous dit rien ? Reggio di Calabria, le point de chute de nombreux migrants qui risquent aujourd’hui leur vie pour chercher une vie meilleure en Europe.
Que conclure de l’histoire des Phocéens ? Il faut d’abord rappeler que ces mêmes Phocéens, avant de fuir l’avancée perse, ont développé des contacts commerciaux avec plusieurs régions de la Méditerranée. Ils ont fondé une colonie sur le site qui deviendra Marseille, et ils ont aussi établi des comptoirs sur la côte espagnole. Forcés de fuir leur patrie au milieu du VIe s. av. J.-C., les Phocéens suivent un parcours similaire à celui que fréquentent les migrants d’aujourd’hui : de la côte d’Asie Mineure, il se rendent en Corse, en Calabre, et ils finissent par remonter la botte italienne.
Avec un recul de plus de 2500 ans, cependant, il apparaît que ces mouvements de population, certes douloureux et dangereux, ont construit la Méditerranée.
[image : fresque d’Akrotiri (Santorin, âge du bronze)]
Όταν έγραφα ακόμα σχόλια στα Γαλλικά, το θέμα των προσφύγων ήρθε κιόλας στο άρθρο του 23 Απριλίου 2015 «Mourir en mer loin des siens» και στο άρθρο του 13 Αυγούστου 2015 «Tourisme, temples grecs et forçats africains».
Το θύμαμαι πολύ καλά, επειδή μου προκάλησε εντύπωση ότι οι προσφύγες πνίγνονται στην θάλασσα όπου οι τουριστες κάνουν διακοπές, κολυμβάνε με χαρά κτλ. Τρια χρόνια μετά, το πρόβλημα των προσφύγων υπάρχει ακόμα, αλλά η ροή αυτών δεν είναι τόσο έντονη όσο πριν από τρία χρόνια. Νομίζω ότι όταν έρχονται στην Ευρώπη η ζωή είναι πιο δυσκολή από αυτό που περίμεναν.
Στην «cité phocéenne» της Μασσαλίας υπάρχουν καλά μουσεία, το Mucem « Musée des civilisations et de la Méditerranée », αλλά επίσης το « Musée des docks romains ». Αξίζει μια επίσκεψη για αυτούς που έχουν χρόνο και ταυτόχρονα έχουν ενδιάφερον για τον πολιτισμό… και έχουν την τυχή να μην είναι πρόσφυγες.
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Bravo, très intéressant parallèle auquel je n’avais pas pensé étant pourtant grand amateur d’Hérodote. J’ai également commenté ce passage que j’aime particulièrement il y a quelques années dans mon blog et peut-être n’y avais-je pas pensé parce qu’à cette époque la crise migratoire n’était pas encore sur le devant de la scène. C’est une raison de plus pour aller chercher dans ces textes les plus anciens de notre civilisation, des éléments de réflexion sur la nature humaine et la constance de son comportement.
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