Soigner le chagrin par la parole ? Cela se pratiquait déjà dans l’ancienne Corinthe.
C’est une doctorante de l’Université de Lausanne, Mme Vasiliki Kondylaki, qui m’a rappelé l’existence d’un passage étonnant : à Corinthe, vers la fin du Ve siècle av. J.-C., on soignait déjà le chagrin en parlant.
Le premier psychiatre venait d’Athènes et s’appelait Antiphon. On le connaît surtout pour avoir figuré dans le Top 10 des orateurs attiques. Dans un traité intitulé Vie des dix orateurs, attribué à Plutarque, on trouve cet étonnant passage où apparaît l’activité insolite d’Antiphon.
On rapporte qu’[Antiphon] composa des tragédies, soit à titre personnel, soit en tandem avec le tyran Denys [de Syracuse]. Tandis qu’il était toujours occupé à ses activités poétiques, il mit au point une technique pour guérir du chagrin, analogue à une thérapie qu’appliqueraient les médecins à leurs malades. À Corinthe, il installa un cabinet près de l’agora et il afficha l’annonce suivante : il était en mesure de soigner les personnes qui souffraient de chagrin par le recours à la parole. Il s’enquérait du motif [du chagrin] et il s’efforçait de consoler ses malades. Cependant, il considéra que cette technique était en-dessous de ses compétences, et il se tourna vers la composition de discours.
[pseudo-Plutarque, Vie des dix orateurs 833c9 – d2]
Merci à Vasiliki Kondylaki d’avoir tiré cet intéressant passage d’un regrettable oubli. Il vaut la peine d’y ajouter quelques remarques. Tout d’abord, si l’on en croit l’auteur du traité, Antiphon aurait connu une carrière en plusieurs étapes : d’abord, il compose des tragédies, et il sert de ‘nègre’ à un tyran qui se pique d’avoir des dons littéraires ; ensuite, il ouvre un cabinet de psy à Corinthe pour faire parler les gens chagrinés ; finalement, il atteint le sommet de sa carrière en composant des discours.
Les trois étapes du parcours d’Antiphon suivent un développement logique. Lorsqu’il compose des tragédies, il fait passer les spectateurs par la pitié et la peur, leur permettant de se purger de leurs émotions, si l’on en croit ce que dit Aristote dans sa Poétique (1449b28). Ensuite, il ouvre son cabinet à Corinthe, pas à Athènes. Peut-être son innovation aurait-elle été mal accueillie dans sa patrie. En tout cas, cela ne marche pas aussi bien qu’il ne l’espérait, ou du moins Antiphon se sent surqualifié pour le métier de psychiatre. Cette étape médiane de son parcours constitue néanmoins le pivot de sa carrière puisque, dans son cabinet, il purge ses patients de leur chagrin en utilisant les discours. Cela lui permettra de terminer sa métamorphose en s’occupant toujours de discours, mais en les déclamant devant l’Assemblée des Athéniens.
De retour à Athènes, il se compromet dans une tentative de coup d’État en 411 av. J.-C. Après que le gouvernement oligarchique auquel il a participé est renversé, Antiphon doit rendre des comptes devant un tribunal. En dépit de ses dons oratoires, il ne parvient pas à convaincre ses juges : il est déclaré traître à la patrie et il est condamné à mort. Son corps sera jeté hors des frontières de l’Attique. Il boit donc la ciguë, douze ans avant Socrate. Ses biens sont confisqués, on le frappe d’indignité civique ; cette mesure s’applique aussi à tous ses descendants.
Antiphon croyait que la psychiatrie était en-dessous de sa condition ; il a donc voulu composer des discours. Or celui qu’il a prononcé pour sa propre défense s’est soldé par un échec qui lui a coûté la vie. Ce discours ne nous est pas conservé, à l’exception d’un misérable lambeau de papyrus. Des copistes avaient fidèlement recopié l’Apologie d’Antiphon à travers les siècles, et la chaîne de transmission du discours d’Antiphon s’est interrompue quelque part dans les sables d’Égypte.
Antiphon aurait probablement dû rester dans son cabinet de psy à Corinthe.
λέγεται δὲ τραγῳδίας συνθεῖναι καὶ ἰδίᾳ καὶ σὺν Διονυσίῳ τῷ τυράννῳ. ἔτι δ’ ὢν πρὸς τῇ ποιήσει τέχνην ἀλυπίας συνεστήσατο, ὥσπερ τοῖς νοσοῦσιν ἡ παρὰ τῶν ἰατρῶν θεραπεία ὑπάρχει· ἐν Κορίνθῳ τε κατεσκευασμένος οἴκημά τι παρὰ τὴν ἀγορὰν προέγραψεν, ὅτι δύναται τοὺς λυπουμένους διὰ λόγων θεραπεύειν· καὶ πυνθανόμενος τὰς αἰτίας παρεμυθεῖτο τοὺς κάμνοντας. νομίζων δὲ τὴν τέχνην ἐλάττω ἢ καθ’ αὑτὸν εἶναι ἐπὶ ῥητορικὴν ἀπετράπη.
Χαιρετισμούς στην κ. Κονδυλάκι. Μίλησα κιόλας μια φορά στα νέα ελληνικά μαζί της και μαζί με ένα καθηγητή της Κρήτης. Τα αρχαία ελληνικά είναι ευκολά για τους Έλληνες. Χάρη στην μητρική γλώσσα τους, έχουν ένα πλεονέκτημα, συγκρινόντας με άλλους λαούς που έχουν μια άλλη μητρική γλώσσα.
Η ιδέα ενός είδους ψυχοθεραπεία, την βρίσκουμε επίσης στον Ηλίοδωρο, όταν η ηρωίδα αισχύνεται παρά πολύ για τα αισθήματα της. Τότε της λέει o ιερέας Καλάσιρις που έχει κατα την γνώμη μου τα χαρακτηριστικά ένος καλού αναλυτή αυτό: « ἔχεις ἐν ἐμοὶ τὸ πιστόν, εἰ βούλει, καὶ ἐνώμοτον· λέγε θαρσήσασα μηδὲ χορήγει τῷ λυποῦντι μέγεθος σιωπῶσα· πάθος γὰρ ἅπαν τὸ μὲν ὀξέως γινωσκόμενον εὐβοήθητον, τὸ δὲ χρόνῳ παραπεμπόμενον ἐγγὺς ἀνίατον· τροφὴ γὰρ νόσων ἡ σιωπή, τὸ δὲ ἐκλαλούμενον εὐπαραμύθητον» (IV, 5, 7). Αυτό είναι ακριβώς μια άρχη της ψυχοθεραπείας, να μιλήσει κανείς. Το μέγαλο πρόβλημα μου φαίνεται ότι είναι προ πάντων η ντρόπη για τα συναισθήματα.
Quant à moi, j’ai refait un tour du côté du français et j’ai relu la brève et amusante comédie de Racine « Les Plaideurs », en ayant pour perspective les « Guêpes » d’Aristophane. Je suis ravie du nom de Mme la Comtesse de Pimbêche. Mais tout rapprochement avec quelque collègue de travail souffrant de déformation professionnelle serait complètement imaginaire et à côté de la plaque…
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