Sacrée virginité : les prêtresses de Vesta qui avaient couché avec un homme étaient enterrées vivantes
Vous êtes claustrophobe ? Moi aussi, un peu, et je vous garantis que la description qui va suivre vous glacera le sang. Consacrées au service de la déesse romaine Vesta, les Vestales avaient l’interdiction absolue de coucher avec un homme. Or qui dit interdiction dit infraction, et bien sûr punition.
Parmi les diverses sources qui nous informent sur le sort des Vestales qui avaient fauté, on trouve le récit de Plutarque, un érudit grec du IIe s. ap. J.-C. Si vous avez l’impression que, depuis quelques temps, Plutarque apparaît plus souvent qu’à son tour dans ce blog, c’est normal : je suis engagé dans une lecture-marathon de l’ensemble de son œuvre. Comme Plutarque est curieux de tout, ses ouvrages fourmillent de passages saisissants. Dans le lot, le sort réservé aux Vestales m’a laissé un tel effroi que je ne résiste pas à l’envie de partager cette horreur avec vous.
Quand [une Vestale] a déshonoré son statut de vierge, on l’enterre vive près de la porte Colline. À cet endroit se trouve, à l’intérieur de la ville, un escarpement allongé qu’en latin on appelle un talus. On y aménage une cellule souterraine, de petites dimensions, avec une entrée par le haut, et l’on y dispose un lit avec une couverture, une lampe allumée, ainsi que quelques modestes provisions de survie, par exemple du pain, une cruche d’eau, du lait, de l’huile. C’est un peu comme si les gens voulaient éviter une souillure résultant du fait qu’une personne mourrait de faim bien qu’elle ait été consacrée aux plus hautes fonctions religieuses.
On place la condamnée dans une litière couverte, pour qu’elle ne soit pas visible de l’extérieur, et on la ligote au moyen de lanières, de sorte qu’on ne puisse même pas entendre sa voix. On la transporte ainsi à travers la place publique, et tout le monde se lève en silence ; on l’accompagne sans dire un mot, tête basse, dans une atmosphère terrible : il n’y a en effet aucun spectacle plus effrayant, aucun jour plus lugubre que celui-ci pour la ville.
Une fois que l’on a porté la litière jusqu’à l’endroit désigné, les assistants détachent les liens, tandis que le prêtre en chef prononce des prières secrètes en levant les mains en direction des dieux avant le moment crucial. Il fait sortir la jeune fille de sa litière, la tête voilée, et il la place sur une échelle qui descend dans la cellule. Ensuite, il s’éloigne avec les autres prêtres.
Une fois qu’elle est descendue, on retire l’échelle et l’on bouche l’entrée de la cellule en y versant de la terre en grande quantité depuis en haut, de manière à ce que l’endroit soit à niveau avec le reste du talus.
Tel est le châtiment dont sont punies celles qui ont trahi leur virginité consacrée.
Plutarque, Vie de Numa 10.8-13
Préserver la virginité des jeunes filles a toujours figuré en bonne place parmi les règles qui contrôlaient les sociétés anciennes. À plus forte raison, la déesse Vesta, qui régnait sur le foyer et sur la famille, exigeait une pureté irréprochable de la part de ses servantes. Plutarque relève cependant que l’obligation de chasteté des Vestales était limitée à trente ans. Une fois leur service achevé, les Vestales étaient libres de se marier ; mais ça leur faisait une belle jambe, comme dirait le Capitaine Haddock. Plutarque fournit en effet un détail qui achèvera de nous effrayer :
On dit que seules peu d’entre elles ont joui de cette permission [de quitter leur virginité au bout de trente ans], et quand elles en ont fait usage, l’affaire ne s’est pas bien terminée pour elles : car elles ont passé le reste de leur vie dans le remords et la dépression ; et elles ont précipité les autres dans une crainte superstitieuse qui les a fait garder leur continence et leur virginité jusqu’à la vieillesse et la mort.
La description de Plutarque est saisissante, mais il existe d’autres exemples de ce type de mort où on emmure le condamné: il y a celui d’Antigone ainsi que, plus récemment, le cas des nazis qui ont enterré vivants certains de leurs ennemis. Comme on m’a raconté très tôt ces méfaits des nazis, c’est-à-dire dans mon enfance, en famille, je n’ai pas eu d’effroi à la lecture du texte de Plutarque, puisque je sais depuis longtemps que ce type de mort existe.
Plus précisément pour la Vestale, il s’agissait d’impressionner les esprits en faveur de la virginité des filles. De nos jours, sous nos latitudes en tout cas, celle-ci n’est plus une valeur et le verbe « fauter » n’est plus employé depuis longtemps. Mais on peut comprendre que la virginité, autrefois, dans l’Antiquité, mais même jusqu’au 20ème siècle, a été une valeur sociale dans la mesure où une fille qui « couche avec un homme » peut très vite se trouver enceinte, alors que pour l’homme les conséquences sont moins graves; et nombreux sont ceux qui, dans ce cas, n’ont pas accepté la responsabilité de la paternité et ont laissé la fille se débrouiller seule avec son enfant. Donc, autrefois, attendre le mariage pour avoir des relations sexuelles protégeait certainement les jeunes filles d’un éventuel choix difficile entre élever seule un enfant ou avorter dans des conditions dangereuses; parfois aussi, tout de même, le père reconnaissait la paternité venue trop tôt et il y avait un mariage a posteriori.
De nos jours, dans les pays riches et les milieux informés, la situation est différente, car une bonne contraception permet d’éviter avec sûreté une grossesse et l’avortement n’est pas illégal, même s’il n’est pas anodin. Mais le risque d’avoir un enfant non désiré est encore réel et pèse sur les filles essentiellement. De ce point de vue, il ne peut pas y avoir d’égalité des sexes et il est important que les jeunes filles qui veulent des rapports sexuels en parlent au préalable à un ou une gynécologue. C’est indispensable et c’est ce qu’on peut conseiller à de jeunes filles mineures ou majeures, car les grossesses précoces ne sont pas un problème imaginaire et l’avortement peut laisser des regrets.
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