Le loup fait de nouveau parler de lui en Valais. Faut-il l’abattre ou tenter la cohabitation ?
Quatorze moutons tués en Valais : le loup est un féroce carnassier. Il y a cinq ans, j’ai déjà évoqué le sujet avec une histoire de berger antique déguisé en loup. Entre-temps, nos loups helvétiques ne se sont pas calmés : ils ont continué à décimer les troupeaux, au grand dam des bergers d’aujourd’hui, et l’on évoque à nouveau la possibilité de tirer sur ces vandales sanguinaires. Alors, pour calmer les ardeurs des chasseurs valaisans, essayons de leur raconter une petite histoire, dans laquelle on verra que le loup, une fois de plus, n’est pas celui que l’on croyait.
La scène est tirée d’une tragédie attribuée – à tort – à Euripide, le Rhésos. Elle tire son titre d’un roi thrace, Rhésos, qui était venu donner un coup de main aux Troyens, assiégés par une coalition achéenne. Les Thraces ont été accueillis par Hector, fils de Priam.
Tandis que Rhésos et ses soldats dorment, Ulysse et Diomède lancent un raid de nuit contre le camp des Thraces. Profitant de l’obscurité, ils tuent de nombreux hommes et repartent avec les juments et le char de Rhésos, tels des voyous qui auraient cambriolé une villa et tué les occupants avant de s’enfuir dans la Porsche du propriétaire.
C’est le cocher de Rhésos qui raconte ce qui s’est passé :
« Hector nous avait désigné nos places pour la nuit et nous avait distribué le mot de passe. Vaincus par une écrasante fatigue, nous dormions. Il n’y avait pas de garde de nuit pour les troupes, les armes n’étaient pas alignées en bon ordre, et l’aiguillon à chevaux n’était pas placé près du joug des chevaux : en effet, notre roi avait entendu que vous aviez pris l’avantage et que vous menaciez déjà les proues des navires [achéens]. C’est pourquoi nous étions couchés sans précautions.
Mais moi, tiré du sommeil par un zèle qui me tient éveillé, je mesure d’une main généreuse du fourrage pour mes chevaux, car je devrai les atteler le matin pour engager un rude combat. Or voici que j’aperçois deux individus qui rôdent autour de notre armée, dans les profondeurs de la nuit. Dès que je bouge, ils prennent peur et se retirent. Je leur crie de ne pas s’approcher de l’armée – je les avais pris pour des alliés en quête de maraude. Ils ne répondent rien ; et je ne réponds pas davantage, mais je retourne me coucher.
Tandis que je dormais, j’eus alors une vision. Les juments dont j’avais le soin, et que je conduisais aux côtés de Rhésos, je les vis assaillies par des loups qui grimpaient sur leur croupe. Frappant de leur queue les flancs des juments, ils les mirent en mouvement, et elles renâclaient de leurs naseaux, soufflant furieusement et se cabrant sous l’effet de la peur.
Alors moi, je sors de mon sommeil pour défendre les juments contre les bêtes ; car la terreur qui m’a assailli pendant la nuit m’a rendu agité. Je soulève la tête et j’entends un gémissement de mourants. Un jet chaud m’atteint : c’est mon maître qu’on égorge ; il meurt dans la souffrance en répandant son sang. Je me relève, je bondis, mais je n’ai pas d’arme sous la main ; tandis que je cherche du regard une lance, que j’essaie d’en attraper une, je reçois un coup d’épée au flanc, porté par un homme vigoureux. Le coup vient clairement d’un glaive, la blessure a laissé un sillon profond. Je tombe la tête la première. Quant aux agresseurs, ils s’emparent de l’attelage et s’enfuient avec les juments. »
Dans un demi-sommeil, le cocher a cru voir des silhouettes qui rappellent des loups. En fait, Ulysse et Diomède sont venus dans l’obscurité, couverts de peaux de loups pour se camoufler. Le brave cocher ne saisit pas tout de suite ce qui lui arrive, et quand il reçoit un coup d’épée, il est trop tard pour empêcher les deux Achéens de repartir avec le char de Rhésos. Je vous l’avais dit : le loup n’est pas toujours celui que l’on croyait ; parfois le loup est un homme.
Voir au festival d’Epidaure, qui a lieu chaque été en juillet, une pièce d’Euripide serait très tentant, car ce théâtre est encore très beau et très utilisable (et heureusement utilisé) et, de plus, la vue sur une mer d’oliviers depuis les gradins d’en haut est magnifique. Seulement voilà: en Grèce, il fait trop chaud en juillet et cela de plus en plus. Si on place le seuil de la canicule, chaleur insupportable, à partir de 36 degrés, les mois de juillet et d’août risquent de devenir impropres au tourisme et à la culture dans cette région. Une solution serait sans doute d’apporter davantage de soins à notre environnement naturel en plantant des arbres et en surveillant ces plantations.
D’un point de vue grammatical, dans l’extrait d’aujourd’hui, il existe un nombre qui a disparu dans nos langues modernes. En effet, pour nous exprimer, nous disposons encore du singulier et du pluriel. Mais dans le texte grec, il existe aussi le duel des verbes, qui était un nombre employé pour désigner les actions de deux personnes ou de deux animaux. On trouve le duel aux vers 773, 775 et 784. Sauf erreur, cela permet de noter que ces loups étaient deux, comme Diomède et Ulysse, ce qui établit une adéquation entre le rêve du cocher et la réalité qui se présente dans le camp, le rêve annonçant le vécu. Ceci est difficile à rendre en traduction, puisque nos langues n’ont plus ce nombre et qu’on doit ajouter « tous les deux », « deux », les « deux ».
Par ailleurs, il est intéressant de se demander pourquoi ce nombre avait été créé et aussi pourquoi il a disparu. S’il existait encore, on pourrait l’employer à propos du blog, puisqu’il n’y a malheureusement que M. Schubert qui écrit et presque que moi qui place de petits commentaires. Ce serait bien d’être un peu plus nombreux que seulement deux pour lire et commenter des textes grecs. Γράφετον.
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