Face aux tenants du pouvoir, les juges n’ont pas toujours la tâche facile. Comment assurer leur indépendance ?
Pour faire son travail, un juge devrait être indépendant ; il ne devrait pas recevoir d’ordre de ceux qui tiennent les manettes du pouvoir. Mais ne soyons pas naïfs : l’indépendance des juges leur confère aussi un pouvoir qui peut corrompre. Comment un juge résiste-t-il à la tentation de tirer un avantage d’une situation qui le place, de facto, au-dessus des autres ? C’est donc aux maîtres de la politique de contrôler les juges.
Autrement dit, le judiciaire cadre le politique, mais le politique tient le sort du judiciaire entre ses mains. Cet équilibre délicat, nécessaire pour garantir les principes de l’État de droit, est souvent remis en question en de nombreux points du globe.
Cambyse, roi de Perse, ne s’est pas embarrassé de telles considérations : pour lui, un juge n’était que le prolongement du bras du roi ; et pour s’assurer l’intégrité d’un juge, il convenait de le terroriser, comme le montre le cas du juge Otanès.
Le père d’Otanès, Sisamnès, avait été l’un des juges royaux sous le règne de Cambyse. Il avait rendu une sentence injuste en échange d’un avantage matériel et le roi l’avait fait égorger et écorcher. Puis Cambyse avait fait découper la peau de Sisamnès en lanières pour tendre le siège sur lequel il était assis pour rendre ses jugements. Pour succéder à Sisamnès, qu’il avait tué et écorché, Cambyse avait alors nommé le fils de Sisamnès, en lui enjoignant de se rappeler sur quel siège il trônait lorsqu’il rendait ses jugements.
Brrrrr… Otanès a dû sentir ses fesses le chatouiller lorsqu’il s’asseyait sur les restes de son père écorché. En soi, l’intention de Cambyse était louable : il voulait avoir un juge intègre. La méthode, en revanche, laisse à désirer car Otanès a marché droit non pas par désir de rendre une justice équitable, mais par crainte de se faire lui aussi découper en lanières.
Dans son oeuvre L’Esprit des Lois, Montesquieu a recommandé la séparation des trois pouvoirs législatif, judiciaire et exécutif dans le but d’établir des démocraties stables. C’était, je pense, une modification et un approfondissement de principes venus de l’Antiquité. Nos démocraties, parfois relatives, s’appuient sur ces bases, qui, si on ne les défend pas, peuvent être grignotées et même disparaître.
En tout cas, elles ne sont pas venues de Cambyse tel du moins que le présente Hérodote. Le Perse concentre sur lui-même ces trois pouvoirs: Cambyse est plutôt un contre-exemple à ne pas imiter, censé montrer la cruauté, voire la perversité de ce Roi. Quant à la vérité historique de ce fait, c’est aux historiens à la rechercher pour établir la différence entre propagande, fake news et réalité.
Il me semble qu’on a déjà cité dans ce blog ce siège en peau de père, mais, comme je le commente depuis sept ans et demi, je ne sais plus quand. Il se peut aussi que je connaisse cette histoire horrible et frappante par Diodore de Sicile.
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