Une statue de bronze représentant Apollon retrouvée par un pêcheur de Gaza : mirage ou réalité ?
L’Apollon de Gaza, c’est d’abord le titre d’un film réalisé par le Genevois Nicolas Wadimoff. Une autre manière de parler de la Palestine, à l’écart des checkpoints, des oliviers et des citronniers qu’on nous sert d’habitude.
Il y est question d’une statue de bronze du IIe siècle av. J.-C. qu’un pêcheur aurait ramenée dans ses filets en 2013. Elle représenterait le dieu Apollon. Seulement voilà : la statue, aussitôt apparue, aurait à nouveau disparu, laissant derrière elle un parfum de mystère. On ne sait pas si l’objet a rejoint les couloirs sombres du commerce illégal des antiquités, ou s’il s’agit d’une simple invention.
Une statue d’Apollon ? Tiens, tiens, ça me rappelle quelque chose… Une vieille histoire de trépied en bronze ramené dans les filets d’une équipe de pêcheurs de Milet, en des temps très anciens.
Des pêcheurs jetaient leur filet contre salaire, aux conditions suivantes : ce qu’ils ramèneraient dans leur filet appartiendrait à celui qui avait acheté le produit de la pêche. Or il arriva que, au lieu de poissons, ils ramenèrent dans leur filet un trépied en or.
Une dispute s’ensuivit à propos du trépied. Les pêcheurs déclaraient qu’ils avaient vendu du poisson, pas un trépied ; quant aux acquéreurs, ils affirmaient qu’ils avaient acheté tout ce qui était remonté, de quelque nature que ce fût. Comme ils ne parvenaient pas à s’entendre, on décida d’aller demander l’avis d’Apollon, lequel leur rendit l’oracle suivant :
Enfant de Milet, tu interroges Phoibos [Apollon] à propos d’un trépied ;
celui qui surpasse tous les autres par la sagesse, je déclare que le trépied lui appartient.
Ils apportèrent donc le trépied aux Sept Sages [de la Grèce]. Mais chacun d’entre eux à tour de rôle déclara qu’il n’était pas sage… C’est pourquoi ils décidèrent de le consacrer à Apollon, parce qu’il était plus sage que tous. C’est ainsi, dit-on, que le dieu reçut ce trépied.
[scholies à Aristophane Ploutos 9]
Les trépieds en or, tout comme les statues de bronze, ont une fâcheuse tendance à voyager en bateau, puis à couler, et finalement à être retrouvés par des pêcheurs. On peut songer au cas célèbre du dieu de l’Artémision, ou encore aux deux bronzes de Riacce. L’histoire de l’Apollon de Gaza est donc plausible, mais on ne saurait la confirmer en l’absence de l’objet.
Il reste une dernière possibilité : le dieu Apollon aura décidé que les hommes qui se disputent dans la région, de part et d’autre du Mur de la Honte, ne méritent pas un pareil chef-d’œuvre. Voulant leur montrer qui est le plus sage, il aura repris sa statue.
[images : le dieu de l’Artémision]
ἁλιεῖς μισθῷ βόλον ἔρριπτον, ἵνα τὸ ἀναφερόμενον εἴη τοῦ ἀγοράσαντος τὸν βόλον. συμβέβηκε γοῦν ἀντὶ ἰχθύων τρίποδα χρυσοῦν περιλαβεῖν αὐτοὺς τῷ δικτύῳ. ἐφιλονείκουν οὖν περὶ αὐτοῦ, οἱ μὲν ἁλιεῖς, ὡς ἰχθῦς πεπράκασιν, οὐ τρίποδα· οἱ δὲ ἀγοράσαντες ἔλεγον, ὡς πᾶν τὸ ἀνιὸν καὶ πᾶν ὅ τι τύχοι ὠνήσαντο. οὕτως οὖν αὐτῶν φιλονεικούντων, ἔδοξεν ἐρωτῆσαι τὸν Ἀπόλλωνα. ὁ δὲ ἀνεῖλεν αὐτοῖς ταῦτα·
ἔκγονε Μιλήτου, τρίποδος πέρι Φοῖβον ἐρωτᾷς·
ὃς σοφίῃ πάντων πρῶτος, τούτου τρίποδ’ αὐδῶ.
προσήγαγον οὖν αὐτὸν τοῖς ἑπτὰ σοφοῖς· ἕκαστος δὲ τούτων παρῃτεῖτο σοφὸς εἶναι, διόπερ ἐγνώκασιν, ὡς σοφωτέρῳ πάντων, ἀναθεῖναι αὐτὸν τῷ Ἀπόλλωνι· ὅθεν φασὶν ἐσχηκέναι αὐτὸν τὸν τρίποδα.