À quel type de personnalité corresponds-tu ?

OLYMPUS DIGITAL CAMERASelon un chercheur en sciences politiques, notre orientation politique serait déterminée par notre personnalité – et non par des critères sociologiques comme l’âge, l’éducation ou le genre.

Markus Freitag est politologue, mais pas franchement politiquement correct : selon ce chercheur à l’Université de Berne, l’orientation politique des individus s’expliquerait par leur personnalité. En gros, pour prendre l’exemple des électeurs suisses, on pourrait les classer en cinq catégories : le Consciencieux, l’Ouvert, l’Extraverti, l’Agréable et le Névrotique. Dommage qu’ils ne soient pas sept, on croirait retrouver les sept nains de Blanche-Neige : Simplet, Dormeur, Grincheux, Joyeux Atchoum, Timide et Prof.

Donc, si vous avez la chance d’appartenir au profil Agréable, vous êtes une personne altruiste et un peu naïve ; vous frayez avec le végétarisme. Voilà qui vous prédispose à une sympathie envers le Parti Socialiste. À défaut, vous vous accorderiez bien avec ces autres naïfs que sont les Verts, ou à la limite d’autres altruistes vaguement catholiques, membres du Parti Démocrate Chrétien.

Merci, Professeur Freitag, de nous fournir une explication simple et compréhensible de l’âme helvétique. Avec cinq catégories, c’est facile à saisir, ce qui devrait remplir d’aise le Consciencieux : il a besoin d’ordre, respecte les règles, a le sens du devoir et paie ses impôts. On évite ainsi les interminables listes de caractères inventées par de lointains précurseurs comme Théophraste.

Comme vous n’avez pas nécessairement la curiosité naturelle qui distingue l’Ouvert, Théophraste ne vous est pas familier. Sachez que ce disciple et successeur d’Aristote à la tête du Lycée avait dressé une liste de trente Caractères, tous plus grinçants les uns que les autres. Teintés d’ironie, ces Caractères présentent un lien assez évident avec des personnages types de la comédie athénienne à l’époque de Théophraste, à la fin du IVe siècle av. J.-C. Beaucoup plus tard, le philosophe grec inspirera Jean de la Bruyère (1645-1696), qui rédigera lui aussi des Caractères.

Avec trente personnalités différentes, Théophraste complique un peu la tâche du Professeur Freitag. Je vous épargnerai le Cupide, le Couard et le Mufle pour vous présenter au moins le Malotru, qui vaut le détour.

« Il n’est pas difficile de définir le caractère du Malotru : car il se livre à un jeu évident et condamnable. Le Malotru, c’est le type qui rencontre des femmes de condition libre, soulève son vêtement et exhibe son anatomie. Au théâtre, il applaudit lorsque les autres font silence ; il siffle les acteurs que les autres spectateurs apprécient. Quand tout l’auditoire se tait, il jette la tête en arrière et lance un rot pour que les spectateurs se retournent. Il va au marché, s’approche des noix, des myrtilles et des fruits à coques, et il les goûte tout en causant avec le vendeur. Parmi les gens qui sont là, il apostrophe une personne par son nom bien qu’elle ne lui soit pas familière. Voit-il des gens pressés, d’aller quelque part, il leur demande de l’attendre. Si quelqu’un sort du tribunal après avoir perdu un procès, notre homme vient le féliciter. Il va faire ses courses pour lui-même, se loue une joueuse de flûtes, montre aux passants le contenu de son sac à commissions et les invite à se joindre à la partouze. Enfin, debout à l’entrée de la boutique du coiffeur ou du parfumeur, il raconte qu’il a l’intention de se soûler la gueule. »

[Théophraste Caractères 11]

Mais au fait, peut-on se contenter de classer les personnalités pour comprendre les gens ? Les classements rassurent parce qu’ils nous donnent l’illusion d’un monde bien rangé. À l’origine, le « caractère » est une marque distinctive gravée ou frappée, inamovible, par exemple sur une monnaie. Le Névrotique ou l’Extraverti du Professeur Freitag ne changera pas de profil au cours de son existence. Son orientation politique sera inscrite dans sa personnalité. Dans un monde où tout paraît tellement compliqué, voilà qui nous rassure.

Élections fédérales : dernières recommandations aux candidat(e)s

swiss_flag_nbRéjouissons-nous : le 18 octobre 2015, les Suisses éliront leur Assemblée Fédérale, composée de 200 Conseillers Nationaux et de 46 Conseillers aux États. Voici les dernières recommandations pour les candidat(e)s, inspirées d’une sagesse grecque indémodable.

Les 200 sièges du Conseil National sont fort convoités : 3799 candidat(e)s se pressent au portillon. Autrement dit, il y aura 3599 déçus [95% des candidat(e)s] dimanche soir. Il vaut mieux investir son énergie dans le Conseil des États, dont les 46 sièges suscitent la convoitise de seulement 138 candidat(e)s.

Nos concitoyens d’Appenzell Rhodes-Intérieures, toujours en avance d’une idée sur les autres, se sont arrangés pour avoir déjà élu leur candidat au Conseil des États. Leurs cousins d’Appenzell Rhodes-Extérieures, eux, ont trouvé une autre solution originale : dans ce canton, le candidat unique est sûr de l’emporter au terme d’une lutte électorale acharnée, à moins que les dieux de l’Olympe ne lui jouent un sale tour.

Mais laissons les Appenzellois à leur heureux sort, et préoccupons-nous plutôt de prodiguer quelques dernières recommandations aux candidat(e)s, aussi bien aux futurs vainqueurs qu’aux déçus : car beaucoup de candidats peuvent déjà mettre un plat de couleuvres à leur menu du dimanche soir. Pour les préparer à l’inévitable défaite, proposons-leur d’abord quelques extraits du Manuel d’Épictète. Né esclave au milieu du Ier s. ap. J.-C., Épictète figure parmi les plus célèbres philosophes d’obédience stoïcienne. Ses pensées ont été rassemblées par un disciple, Arrien, au IIe siècle.

Voici donc un message pour ceux qui ne seront pas élus :

« Dans l’existence, il y a des choses qui dépendent de nous, et d’autres qui ne dépendent pas de nous. (…) Or si tu considères comme tien seulement ce qui t’appartient vraiment, et que tu considères comme étranger ce qui ne t’appartient pas (c’est la réalité !), personne n’exercera jamais de contrainte sur toi, personne ne te fera obstacle, tu ne blâmeras personne, tu n’accuseras personne, tu ne feras rien contre ton gré, tu n’auras pas d’ennemi, personne ne te fera des reproches, et tu ne subiras rien de fâcheux.

Avec de tels objectifs en tête, rappelle-toi qu’il te faudra fournir un effort considérable pour les atteindre : tu devras renoncer entièrement à certains d’entre eux, et en repousser d’autres pour l’instant. Mais si tu veux les atteindre, et tout à la fois exercer une magistrature et être riche, peut-être n’obtiendras-tu ni magistrature ni richesse parce que tu vises les premiers objectifs. Et en définitive, tu manqueras aussi ces premiers objectifs, qui seuls peuvent t’apporter liberté et bonheur. »

[voir Épictète, Manuel 1]

Les élus, eux, trouveront de l’inspiration auprès d’un autre philosophe, Théophraste, disciple d’Aristote (fin du IVe s. av. J.-C.). Dans ses Caractères, il s’est amusé à dépeindre les défauts de ses contemporains. Tout candidat à l’Assemblée Fédérale devrait au moins prendre connaissance de la description de l’Oligarque, partisan d’un mode de gouvernement autoritaire :

« Le tempérament oligarchique correspond à un amour du pouvoir, associé à une convoitise de force et de profit. Voici comment se comporte l’oligarque : lorsque l’Assemblée délibère pour savoir quels délégués l’on va désigner pour assister le magistrat principal dans une cérémonie officielle, il monte à la tribune pour dire que ces gens doivent avoir les pleins pouvoirs. Si les autres proposent que l’on désigne dix personnes, il dit : ‘Une seule suffira, mais il faut que ce soit un vrai homme.’ De tous les poèmes d’Homère, il n’a retenu qu’un seul vers : ‘Il n’est pas bon d’avoir plusieurs chefs ; qu’on se limite à un seul.’ Pour le reste, il ne connaît rien d’Homère.

On peut s’attendre à ce qu’il prononce des paroles telles que : ‘Il nous faut nous réunir entre nous, délibérer, et nous débarrasser de la foule et du menu fretin. Lorsque nous briguons des magistratures, il faut arrêter de nous laisser faire par ces gens, et ne pas attendre des honneurs de leur part.’ Ou encore : ‘Pour diriger l’État, c’est eux ou c’est nous !’ »

[voir Théophraste, Caractères 26.1-3]

Faisons confiance au peuple suisse qui, dans sa grande sagesse, saura choisir ceux qui seront à même de défendre l’intérêt général.

[image : Loi fédérale sur la protection des armoiries de la Suisse et autres signes publics (projet 2009)]